L'histoire de sa vie? Elle n'aime pas franchement parler d'elle, vous savez. Et puis de toute façon, qui s'intéresserait à la misérable histoire d'une simple orpheline sans famille, sans amis, sans autre occupation que de travailler vingt-quatre heures sur vingt-quatre pour tenter de garder la tête hors de l'eau? Personne. Personne ne s'est jamais intéressé à Blueberry Tempest pour la sortir de l'orphelinat, pour la sortir de la misère. Ce qui se comprend. C'est vrai, elle n'a rien pour elle la petite. Elle est pâlotte, elle est toujours triste, déprimée, mystérieuse, sombre comme quelqu'un qui n'a rien ; ou qui n'a plus rien. Jamais un sourire, jamais un rire, toujours cette expression de dépressive de la vie perdue dans son monde en noir et blanc -plus noir que blanc à vrai dire.

Cette fille, c'est moi. Blueberry Tempest, dix-neuf ans, orpheline depuis ses sept ans, vivant dans une chambre d'hôtel avec la seule compagnie de sa plante en pot, Aurore. Oui c'est vrai, pourquoi donner un prénom à une petite plante? D'autres vont penser que ça ne tourne pas rond chez moi, et pourtant je l'ai fait, parce qu'elle est bien la seule chose qui ait toujours été là pour moi -et que le prénom Aurore est magnifique, vous ne trouvez-pas?
A cette étape de mon récit, je suis certaine que vous vous demandez tous de quelle triste façon je suis devenue orpheline? Bingo. Ce n'est rien d'extraordinaire en fait. Une gamine stupide, une gamine égoïste qui ne pensait qu'à s'amuser avait préféré rester jouer avec ses amis, faisant attendre le reste de sa famille -ses parents et ses deux sœurs- plus longtemps que prévu. La gamine, c'était moi, Blue. Si j'avais simplement obéi, ils n'auraient pas eu à attendre, ils n'auraient pas été présents sur ce trottoir au moment même ou une fuite de gaz avait lieu dans la maison d'à côté.... Le "boom" avait été entendu dans tout Storybrooke. J'avais juste vu la fumée, et les flammes, rouges, dévorantes.... Je déteste le rouge. Je me déteste d'autant plus.

Voilà comment je suis devenue orpheline, devenant la petite Blue aux mille regrets, écrasée par le poids de sa culpabilité. J'ai été placée dans l'orphelinat, mais je savais, je savais que rien ne serait jamais plus comme avant.
C'est à partir de là que je me suis renfermée sur moi-même. Je me suis toujours considérée comme coupable, et le deuil n'est jamais vraiment passé.... Je suis devenue plutôt instable, nerveuse, souvent victime de véritables crises de nerfs.... Heureusement, il y avait les autres enfants de l'orphelinat, surtout Rose et Olive. Elles étaient sœurs, toutes deux plus âgées que moi; et rapidement elles m'ont prise sous leurs ailes m'aidant à ne pas m'emmurer totalement dans mon sombre univers. Pendant cette époque, j'avais de l'espoir, j'avais des rêves : même si ma vie avait déjà été brisée une fois, elles avaient réussi à me convaincre que nous aurions une nouvelle chance, une nouvelle famille, qu'on serait toujours ensemble. J'y ai cru, à ma seconde chance, à ma rédemption. Mais c'était juste une cruelle illusion, j'étais stupide de croire au bonheur. Parce qu'un jour, on avait dix ans, les religieuses de Storybrooke sont venues pour adopter des petites filles et leur offrir un nouveau foyer. On était toutes folles de joie, d'espoir. Mais elles sont venues, elles ont pris Rose et Olivia.... Et moi, elles m'ont laissée. Je me souviens parfaitement du regard impressionnant de la mère supérieure qui s'est posé sur moi avant de se détourner, comme si je n'étais pas assez bien pour elle, comme si je n'étais pas ce qu'elle recherchait..... J'étais juste une orpheline doublée d'une meurtrière mal dans sa peau et dans sa tête, après tout.

Ce jour à sonné le glas de la fatalité. J'allais être seule pour le restant de mes jours, j'avais découvert à la dure qu'on ne pouvait compter que sur soi et qu'il ne fallait jamais accorder sa confiance. Rose et Olive n'avaient même pas cherché à me joindre. Je leur en voudrais toujours. Je les déteste, elles, et ces religieuses qu'elles sont devenues ; et c'est bien fait pour elles si elles ont des problèmes d'argent.
J'ai passé les huit années suivantes à l'orphelinat, jonglant entre les cours, mes rendez-vous avec le psychologue et mes petits boulots. Car oui, dès que j'ai eu seize ans j'ai commencé à chercher à me débrouiller toute seule, à "voler de mes propres ailes" inexistantes. Je ne voulais pas dépendre du directeur de l'orphelinat, j'allais être seule toute ma vie, alors autant que j'apprenne à me gérer moi-même! D'ailleurs, mon premier boulot a été pour la maire de Storybrooke, madame Mills. Je crois bien que, d'aussi loin que je m'en souvienne, à part ma famille elle est la seule qui m'ait jamais tendu la main. Je suis devenue la nourrice de son bébé, Henry. J'avais toujours adoré les enfants. C'est fou mais, même si j'aurais dû envier leur bonheur j'adorais observer les petits de l'école primaire riant et s'amusant entre amis. Ça me rappelait ce que j'avais été autrefois, cela attendrissait mon cœur trop souvent brisé. Je crois bien que le seul qui ait jamais réussi à me faire sourire, à me rendre heureuse, c'est Henry. Je m'y suis attachée à ce petit bout de choux, me découvrant un instinct maternel protecteur que je n'aurais jamais cru posséder. Avec lui, oubliée ma détresse, oublié mon malheur, ce petit être demandait toute mon attention et ma tendresse et j'étais tellement heureuse de lui donner! J'étais fière d'avoir été choisie par Regina, elle est bien la seule personne au monde que je respecte vraiment. Je lui serais éternellement reconnaissante de m'avoir donné ma chance! Et puis grâce à elle, les autres habitants de Storybrooke -qui étaient très méfiants envers moi à cause de mon côté sombre et parfois agressif- se sont dit qu'ils pouvaient me faire travailler sans que je ne cherche à les assassiner. Pauvres idiots s'arrêtant aux apparences sans chercher à voir plus loin!

Mais dès que j'ai eu ma majorité, j'ai pris mes économies, ma petite valise, et j'ai quitté l'orphelinat pour aller me louer cette chambre d'hôtel où je vis maintenant. J'ai été obligée d'abandonner mes études pour me concentrer seulement sur l'objectif de mes jours : gagner de l'argent. J'ai plusieurs fois manqué de peu de finir à la rue, et souvent je ne prenais qu'un repas par jour. La fatigue s'accumulait dans mon corps comme dans mon esprit, mais je continuais, je n'avais pas le choix. Comme un robot sans âme, je me levais pour travailler sans fin, faisant de tout comme le ménage, serveuse.... Lorsque Henry a été plus grand, j'ai dû accepter le fait que je ne pouvais rester sa nourrice, car les heures passées à m'occuper de lui me faisait perdre trop de temps et d'argent... Je devais même laisser tomber ce qui comptait vraiment pour moi. Alors même si ça m'a brisé le cœur, j'ai démissionné, et une autre m'a remplacée..... Car je ne suis toujours que Blueberry, la fille fade et malheureuse cachant ses souffrances sous une apparence peu engageante et en devenant agressive à chaque fois qu'on cherchait à se rapprocher de moi.... C'était une boucle sans fin où je luttais pour survivre, anonyme dans un monde qui ne voulait pas de moi, où je n'avais et n'aurait jamais ma place.

Et puis, j'ai découvert la vérité.
Une vérité qui m'a brisée plus grandement encore que le mensonge dans lequel j'ai vécu pendant vingt-huit ans.


La malédiction a été rompue. Elle a été rompue, et me voilà, moi, Blue.... Ou plutôt, Pimprenelle. Je ne sais quoi penser. Me souvenir de tout a été le choc de trop, la brisure supplémentaire qu'il ne fallait pas.... Pourquoi, pourquoi me souvenir?!! Maintenant je suis obligée de savoir pourquoi dans ma fausse vie j'étais seule et abandonnée, pourquoi il y avait comme un vide immense en mon cœur fragile.... Oui, je sais pourquoi. C'est à cause de mes déboires de ma vie de fée. J'étais dans une situation compliquée, mes ailes ne tenaient qu'à un fil et c'est pour cela que pendant la malédiction je ne faisais pas partie des religieuses comme toutes les autres fées. C'est pour cela que je n'étais pas avec Rose et Olivia.... Ou devrais-je dire, Flora et Pâquerette. C'est pour cela que la mère, supérieure, la Fée Bleue ne m'a pas choisi.... Car j'ai rompu la principale promesse des fées. Celle de ne jamais tomber amoureuse.

Mais je devrais commencer par le commencement, par ce fameux "il était une fois" par lequel toutes les histoires commencent. Et pas seulement les histoires heureuses, je vous l'assure.
Je suis une fée. Mon vrai nom est Pimprenelle, et j'aurais sans douté été appelée fée bleue s'il n'y avait pas déjà eu l'officielle Fée Bleue portant cette appellation -et pourtant, qu'est-ce que j'aime cette couleur!! Elle est celle du céleste, du ciel infini ou les fées peuvent librement s'envoler au gré du vent de leurs envies.... et de leur devoir. Ah, notre devoir. Protéger, guider, rendre heureux. Pourtant je n'avais jamais considéré cela comme un devoir, mais comme une vocation, un instinct naturel qui me poussait à faire le bien autour de moi. Cadette d'une fratrie de trois fées, j'étais la dernière après Flora et Pâquerette. Autant dire qu'être la petite dernière ne faisait pas de moi la suiveuse, la douce, la soumise.... loin de là!! J'avais très rapidement développé un très fort caractère qui semblait presque déplacé pour une fée ; une personnalité de feu qui me faisait très souvent me disputer avec mon aînée. Heureusement, Pâquerette était toujours là pour apaiser nos tensions et ramener la paix. Malgré ces nombreuses dissensions, j'aimais réellement mes sœurs, et cet amour nous rendait plus fortes.

En effet, comme toutes les fées, nous avons commencées tout en bas de l'échelle, allant récupérer la poussière de fée dans les mines des nains. Mais très rapidement nous avions grimpé les échelons de par notre force décuplée lorsque nous travaillions ensemble. Si bien que de simple fée nous sommes finalement devenues marraines.
Mais entre temps, de nombreux évènements étaient arrivés. Je détestais que Flora contrôle tout, alors je partais souvent toute seule pour voyager, aider quelques âmes en détresse et apporter mon incommensurable énergie un peu partout. Mais au cours d'une de ces escapades, je l'ai rencontré. Celui qui allait manquer de peu de causer ma perte, mais surtout celui dont j'allais tomber amoureuse. Moi, une fée, tomber amoureuse d'un humain! L'idée ne m'était même jamais venue à l'esprit, mon rôle consistait à aider autrui à trouver leurs âmes-sœurs et leurs fins heureuses, mais la question de l'amour vrai ne se posait même pas pour les fées.... Et pourtant.

Ces souvenirs aussi beaux que douloureux, je vais les garder pour moi. Ce sont des fragments précieux, fragiles, que j'ai enfermé à double tour tout au fond de mon cœur et de mon esprit pour qu'ils ne m'empêchent pas de continuer ma tâche de fée. Car je ne comprenais pas pourquoi l'amour était interdit, alors je l'avais dissimulé à mes sœurs et à la Fée Bleue. Mais elle a fini par le découvrir, voyant que j'étais de plus en plus rêveuse, absente, oubliant jusqu'à ce pourquoi j'étais faite : aider les autres. Déçue, elle avait manqué de peu de m'enlever mes ailes, mais mes sœurs m'aimaient et ont plaidé ma cause de tout leur cœur. Je me sentais si coupable et si terriblement honteuse d'avoir été malhonnête... Mais par chance la Fée Bleue accepta de croire encore en moi à condition que je stoppe tout contact avec mon Amour, à condition que le bébé qui allait nous être confié à moi et mes sœurs soit protégé et aimé comme nul autre. Par amour pour mes sœurs, je Le quittais et j'emprisonnais mes sentiments d'amour loin d'avoir disparus, même si cela me faisait mal, si mal.

Ainsi suis-je devenue la marraine-fée de l'adorable Aurore, une princesse du pays enchanté. Une à une nous nous sommes penchées sur son berceau pour lui offrir des vœux. Flora lui offrit la beauté, Pâquerette une voix merveilleuse, et moi..... Et moi, mon vœu me fut volé par cette vieille bique nommée Maléfique!! Ah, si la haine existe, alors elle est ce que je ressens pour cette odieuse et cruelle créature -oui, je suis très rancunière et je n'oublierais jamais la peine qui se peignit sur les visages du roi et de la reine lorsqu'elle condamna ma protégée à mort!! Mais je ne la laissais pas faire!!! Non, je ne pouvais faillir, pas seulement parce que cela me coûterait mes ailes, mais aussi car déjà une incommensurable affection pour la petite princesse naissait en moi. Et bien que mes pouvoirs ne soient pas assez puissants pour rompre la malédiction, je fis en sorte que plutôt que la mort ce soit un long sommeil qui touche Aurore. Un sommeil qui ne serait rompu que par le baiser d'un prince charmant...
Pendant dix-huit ans moi et mes sœurs veillâmes sur la princesse, jouant le rôle des marraines, des nourrices, des confidentes, des mères aussi. Aurore était notre trésor et notre protégée, et grâce à sa présence je réussis à ne pas me briser sous le poids de la peine d'être séparée de celui que j'aimais.
Mais à son dix-huitième anniversaire, la malédiction tomba, la faisant sombrer dans un sommeil magique. Heureusement, Aurore avait trouvé l'amour en la personne du prince Philippe, et Flora, Pâquerette et moi avions prévu d'aider le prince à libérer Aurore piégée dans son château de ronce et gardé par Maléfique. Mais alors que nous allions à la rencontre du prince, la malédiction de la Méchante Reine nous engloutit dans l'oubli....

.... Vingt-huit ans. Vingt-huit ans que je crois en une fable, un odieux mensonge. Vingt-huit ans que je suis séparée de mes sœurs, que je les déteste plutôt que de les aimer ; vingt-huit ans qu'Aurore est coincée dans le monde des contes à attendre son baiser magique. Oh comme la vie est cruelle. Car la seule personne en qui j'ai eu confiance pendant tout ce temps était celle qui nous avait tous maudit par vengeance. Regina.... Ou plutôt, la Méchante Reine. Et j'avais eu une vie terrible, une fausse vie qui allait me changer à jamais.

Car comment oublier en un claquement de doigt ce qui nous avait caractérisé pendant vingt-huit ans? J'étais une fille détruite, brisée ; et bien que je me souvienne maintenant je n'arrive pas à me séparer de mon autre personnalité. Pimprenelle et Blueberry sont maintenant une seule et même personne, et je me perds totalement dans la complexité de mes deux moi, de mes souvenirs, de mes sentiments.... Car mon chagrin d'amour est revenu lui aussi, et mon cœur saigne comme jamais.... J'ai perdu beaucoup avec cette malédiction, mon insouciance, mon innocente, ma légèreté. J'ai aussi perdu la complicité qui m'unissait avec Flora et Pâquerette, car malheureusement je n'arrive à mettre de côté la souffrance ressentie lorsqu'elles m'ont abandonnée dans cette vie-là.
Oh, tout est si compliqué!! J'avais l'intention de trouver coûte que coûte un moyen de revenir au pays enchanté pour sauver Aurore, mais voilà que je suis à nouveau partagée depuis que Henry a été enlevé. Ce petit garçon est devenu dans cette vie le remplacement d'Aurore, le nouveau protégé en quelque sorte.... Et je ne veux pas le laisser tomber lui non plus.

Mon esprit se perd dans les méandres de mon hésitation et de mes deux personnalités qui s'affrontent constamment. Mais je n'arrive toujours pas à Le sortir de ma tête....
Ah, cruel dilemme!!!!