Brûler. Détruire. Décimer. Pulvériser. Pour qu’il n’en reste rien. Pour qu’ils ne puissent plus reconstruire sur tes terres. Pour qu’ils partent d’ici, qu’ils laissent la terre de ta famille tranquille. Mais ils ne partiraient pas. Les Humains aimaient à croire que tous leurs appartenaient et ils avaient décidé de s’installer pour toujours. Pour des générations et générations.  Et à chaque fois que tes compères attaquaient leurs villages, tu les rejoignais. Aussi discret que l’ombre, aussi destructeur que la mort, ainsi étais-tu né. La Furie Nocturne, jamais affamé des biens que les humains gardaient sur eux et qui intéressaient les autres dragons, seulement intéresser par la destruction de ce village. Tu faisais comme toutes les fois où tu avais suivis les autres dragons, tu détruisais dans l’ombre. Sauf qu’il a fallu qu’il y ait cet homme et ses inventions qui se met en tête de t’attraper pour avoir la gloire. Tu avais toujours détesté les humains et celui-là, qui te fit perdre l’équilibre, qui t’emprisonnait dans ses fils, qui te fit perdre une partie de ta queue, te condamnant à ne plus voler.  T’enfuir, couper ses liens, partir. C’était les seuls mots qui percutaient dans ta tête mais même si tu te débattais, le piège ne s’ouvrait pas, pire, il se renfermait un peu plus sur ton corps écaillers. Et puis il est revenu. Pour te tuer. Tu savais ta vie finie, comme les autres membres de ta famille, alors tu t’es laissé aller, fermant les yeux sur ta vie. Mais il a dû avoir pitié. Il a dû prendre peur car il t’a laissé la vie sauve. Prenant le dessus, tu étais prêt à le tuer, prêt à tuer cet être qui avait réussis à t’attraper mais au final, tu lui as laissé la vie sauve, comme lui avant. Vous fûmes amenés à vous rencontrer plusieurs fois et tu te liais d’amitié avec lui. Harold tel était son nom. Krokmou tel était le nom qu’il t’avait donné. Il te repermit de voler et tu le laissais te chevaucher. Le premier dragon monté par un humain. Tous deux, dragon et humain, vous firent face aux jeux barbares des Vikings. Tous deux, vous délivrèrent les dragons de la ‘mère’, Seadragonus giganticus maximus. Un lien unique, un lien fort. Et il devint encore plus intime quand Harold, ton maître, perdit l’usage d’une de ses jambes, comme toi. Il était ta nouvelle famille, ton nouvel ami, ta nouvelle vie. Toujours là pour lui, quand tu appris qu’il était en danger, qu’il allait avoir besoin de toi, tu te mis à chercher de l’aide, à chercher comment le rejoindre, comment le sauver. Car tu le sauverais, cela était ta mission.

Rumplestilskin. La clef de ta libération. La clef vers Harold. Tu étais allé le voir, évitant de renverser ses briques à braques. Que les humains étaient envahissants, surtout avec leurs envies de tout garder par des biens matériaux. Un bien contre un autre. Quelque chose contre une apparence humaine. Tu savais que le cœur des dragons avait été de tout temps des choses convoitées. Que les Furies Nocturnes étaient rares. Tu ne calculais pas dans ta tête ce qu’il en coutait, tu ne pensais qu’à la vie d’Harold en danger. Alors tu es parti, d’un battement d’aile et tu les a chercher. Les derniers membres de ta famille. Ceux que tu protégeais il fut un temps. Ton esprit était déconnecté à la réalité quand tes crocs se sont enfoncés dans la chair de ta mère. Tes membres fonctionnaient tout seul, dictés par l’instinct primaire. Ceux qui étaient les plus chères à tes yeux furent en quelques minutes des corps sans vie entassé les uns sur les autres. Et ce fut là que tu compris, en entendant le dernier battement de cœur de ceux qui t’avaient chéri. Tu les avais tués. Tu avais tué ta famille. Et tu n’en ressentais aucun sentiment. Ce fut lorsque tu échangeais leurs cœurs contre une apparence humaine, que tu tombais dans le monde terrestre en tant qu’humain que tu compris. Tu n’avais plus de famille. Tu les avais tués. Tel le prédateur que tu étais. Et Harold ? Ça faisait trop mal dans ton cœur pour que tu penses une seule seconde à ton ami. Et maintenant, maintenant que tu n’avais plus d’objectif, maintenant que le marché était passé, que tu n’avais plus envie de penser à celui qui t’avais fait cette chose, qu’allais-tu faire ? Tu ne savais rien faire. Tu n’avais plus d’ailes, plus de crocs, tu n’effrayais plus personne. Tu n’avais nulle part où aller. Alors tu t’assis dans cette rue, le regard vide alors qu’une vieille douleur se réveillait dans ta jambe, te rappelant à chaque instant l’acte que tu avais osé faire et qu'il n'y avait plus de retour en arrière possible.

Un mal te saisissait brusquement. Sa source, ton ventre.  Tu râlais un coup en ouvrant tes yeux. Entre tes lèvres, une injure est murmurée contre la cause de ton réveil prématuré. L’homme te regardait sèchement, te jaugeait du regard puis partait continuer sa ronde matinale. Encore une journée. Encore un jour de plus dans cette merde qu’était ta vie. Tu tirais la carcasse qu’était ton corps debout pour pouvoir rassembler tes affaires et partir. Ton unique couverture qui te protégeait du froid de la nuit mordante se glissait dans une boîte que tu cachais derrière une poubelle. Toutes tes affaires étaient là. C’était en résumé ton petit nid douillet. Passant une main paresseuse sur ta barbe du lendemain, tu pensais que pour demain, tu allais devoir emprunter le rasoir et le miroir d’un honnête habitant de StoryBook. D’un pas léger, tu sortais de la ruelle qui était ta maison et te faufilais entre les autres hommes pour ton début de journée. Toi, tu n’allais pas à la mine ni à la forêt pour travailler. Non. Toi, tu te glissais par une fenêtre et tu volais ce dont tu avais besoin pour survivre. Par moment, tu prenais des biens qui te serviraient à échanger contre un peu d’argent. C’est par la même fenêtre que tu te glissais chaque matin. C’est dans la même maison que tu volais les mêmes objets. C’est juste avant que le propriétaire ne rentre chez lui que tu t’enfuyais pour rejoindre ton lit. La nuit se faisait maîtresse, la lune pliait le soleil et toi tu ressortais ta couverture pour t’y glisser dans la même position. En t’endormant, tu ne pensais pas qu’un même pied viendrait te frapper au ventre le lendemain.
Sauf qu’il a fallu qu’une femme se pointe. Qu’elle change la donne à cette vie normale et répétitive. Et le jour où tu te pris un coup au ventre, ce ne fut pas la même injure que tu murmurais, mais le prénom suivant alors qu’au même instant, une douleur sans nom mais pas physique te fit te crisper : « Harold. »